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2015-10-11T11:14:25+02:00

Côté obscur de la force ou revers de la médaille du courage?

Publié par Estelle Lang Trommenschlager
Côté obscur de la force ou revers de la médaille du courage?

Chers lecteurs, chères lectrices

Je n’ai pas su me décider pour le titre de cet article, alors j’ai mis les deux. Ils me semblent pertinents, compte tenu du sujet que je voudrais aborder aujourd’hui. Quand je parle de force, ça n’a rien à voir avec star wars. Quand je parle de médaille, ce n’est pas en lien avec les jeux olympiques. Ce que je souhaite toucher du doigt, à travers ces lignes, c’est la force et le courage qu’il nous est imposé d’avoir dans la maladie… et de ses contre parties… ses répercussions… et tout ce que je découvre parfois avec effarement pour ne pas dire effroi. Parfois, avoir du courage, essayer d’être fort, ça peut aussi se retourner contre nous…

Passé le choc de l’annonce de la maladie, la première chose qui m’est venue à l’esprit, c’est que si moi j’ai peur, mes proches ne vont surement pas en mener plus large… Mon mari, mes enfants, mes parents, grands parents, etc… Il faut que je les protège au maximum. Réflexion faite, je crois que j’ai pensé à ça même avant d’avoir digéré le choc de l’annonce. Ca a certainement dû être ma première pensée. Et me voilà en train d’élaborer des plans pour épargner au maximum ceux que j’aime, et qui m’aiment, et que je ne veux pas effrayer, ni blesser… Je parle de moi, je parle de nous. De toutes ces femmes qui par-dessus leur angoisse de l’avenir, voient leur instinct maternel se réveiller et primer sur le reste. Donc en disant « je », je vous demande d’entendre « nous ».

L’avantage, c’est qu’au départ, rien n’a changé physiquement pour moi. Je ne me sentais pas malade, j’avais toujours autant d’énergie, rien ne pouvait laisser entrevoir l’ombre d’un crabe dans ma vie. Ca facilite la chose dans un premier temps. Alors on s’habitue à l’idée, parce que ça trotte quand même en arrière plan dans la tête, mais on espère que finalement, ça ne changera pas grand-chose à nos vies. Et on arrive presque à y croire ! Et puis il y a les interventions chirurgicales. La fatigue, le stress, les cicatrices qui vont avec. Mais on sourit, parce que finalement, on ne se sent toujours pas malade, et que ça va passer, cet état. On arrive presque à tout faire comme avant. Faustine sait que je ne peux plus la porter mais on se câline autrement. Chloé et Elise savent que maman va des fois aller faire la sieste, mais une fois réveillée, elle est de nouveau cette maman qu’elles connaissent. Michaël, lui, il voit tout, je ne lui cache rien. Mais en fin de compte, ça va plutôt bien, alors il vit avec moi au jour le jour et se rassure ainsi. Aux autres je peux facilement cacher mes petites faiblesses qui vont rester dans le cercle ultra privé.

Et puis viennent les traitements. Là, ça se complique. On a plus de mal à sourire, quand les nausées vous assaillent pendant des jours. Et on se sent nettement moins au top quand sans cheveux, votre petite dernière a un mouvement de recul quand vous l’approchez. Heureusement, ces petites bêtes là, ça s’adapte vite… aujourd’hui, elles viennent me caresser pour voir si c’est toujours tout doux ! Et puis il y a les douleurs, qu’on arrive à cacher un temps, mais quand trop c’est trop. Et lorsqu’on passe par la case de l’hospitalisation, c’est presque un échec dans la protection des nôtres. On a le teint qui devient terne, les sourcils et les cils qui tombent parfois… ça devient de plus en plus dur d’avoir l’air comme avant. Quoi que…

Depuis que j’ai annoncé mon cancer, je reçois des messages de toute part, félicitant pour mon courage, me complimentant sur la force qui émane de moi, même dans la maladie. Ma famille est très compatissante sans être dans la pitié, et mes amis sont discrets et présents à la fois. Vous savez quoi ? C’est ça, qui fait ma force, et mon courage. C’est vous tous, autour de moi, qui me portez dans mon épreuve. C’est avec vous que j’arrive à avancer, et de fait, pour moi mais aussi pour vous, que j’ai envie de me battre. Et j’ai de la chance.

Mais tout le monde n’a pas ma chance. Parfois, d’entourage compatissant, on passe à « tout est normal, tu as l’air d’aller bien, donc on ne va rien changer à nos habitudes ». De proches encourageants, on en vient à « oh, mais de toute façon, c’est de la prévention chez toi, alors c’est pas grave »… Et de mal en pis, alors que le moral commence à flancher, parce que sans déconner, les traitements, préventifs ou non, il faut se les farcir, on entend que pour nous, les vacances c’est à l’année, qu’on a de la chance… De la chance ? D’avoir un cancer ? J’avais jamais vu l’affaire comme ça. De la chance ? De rester à la maison au lieu d’aller bosser ? Mais quand on aime son métier, que la vie professionnelle donne un rythme et un équilibre, on souhaiterait peut être plus volontiers se lever à 5h du matin, ou se coucher tard, parce qu’on travaille, que de se coltiner de la chimio ! De la chance ? Parce qu’on a droit à des massages à l’hôpital ? Ben oui, mais en même temps… on a mal, vous le voulez ? De la chance ? Parce qu’après, quand tout sera fini, on aura droit à une cure pour se remettre de cette sale affaire ? Bien sûr, et les brûlures, sur la poitrine, la peau toute desséchée, le bilan hépatique complètement perturbé, les jambes gonflées comme des poteaux par la cortisone, tout ça, c’est aussi une chance ?

Voilà là le revers de la médaille du courage. On essaye de faire bonne figure, on dit que ça va, on sourit bravement, on essaye de ne pas perturber l’équilibre familial, et au passage, on se prend dans les jambes quelques tacles bien placés… qui vous ne l’imaginez pas, ont une influence immense sur notre moral. Et le moral, c’est 50% de la réussite de notre traitement.

Voilà le côté obscur de la force. On se bat jour après jour et on donne le change, mais la moindre faiblesse sera sanctionnée par quelques réflexions humiliantes. Qui ont une influence dévastatrice sur ce moral qui pourtant compte à moitié dans notre guérison.

La grande question est… avons-nous raison de vouloir vous épargner ? Avons-nous raison de tenter de ne vous montrer que la face après camouflage ? Si j’avais un message à faire passer, à travers cet article, ce serait : faites attention à vos paroles. Si ce n’est pas facile à vivre pour vous, imaginez que pour nous c’est au moins aussi pénible. Vous avez des conseils à donner ? Nous prenons, mais s’il vous plait, faites attention à la manière dont vous les prodiguez ! Nous sommes peut être plus sensible et fragile que vous ne le pensez. Vous nous aimez ? Alors s’il vous plait, essayez de nous épargner. Quand tout ça sera fini, on se laissera plus volontiers taquiner. Mais pour l’heure, toute notre énergie est concentrée dans un combat qui vous dépasse, quoi que vous en pensiez. C’est le nôtre, et nous ne pouvons pas nous permettre de relâcher la pression, ou d’entrer dans d’autres conflits.

N’oubliez pas que le maquillage fait beaucoup… mais qu’en dessous, il y a la vérité…

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commentaires
P
On essaie toutes et tous de porter un peu de ce fardeau avec vous Estelle, de manière, non pas à alléger vos souffrances mais à les rendre un peu moins difficile à su.....porter. Courage à vous, la lumière est au bout de la route.
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S
mon cancer je le vie comme un face à face ,c'est une histoire entre lui et moi.Tout ce qui m'entoure me parait superficiel.Je ne m'arrête plus qu'à l'essentiel.Et pour moi l'essentiel c'est d'avancer jour après jour .
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T
A chaque jour suffit sa peine :)
S
c'est tellement vrai ce que vous dites,je me sens tellement concernée.Merci à vous d'oser dire ce que finalement nous ressentons toutes au fond de nous même.Continuez à vous battre .
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S
exact.
S
très courageuse notre petite fille de coeur
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D
Et oui que d émotions, que de frissons quand on te lit Estelle<br /> C est épreuve n est facile pour personne mais elle est bien plus difficile pour vous tous qui traversaient cette épreuve <br /> Plein de courage aussi à ton amie Valérie<br /> Bises
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S
Bisous ma tortue je te lis toujours avec autant d'émotions.
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